L’homme, comme toujours, avançait à pas calculés. Il était voyant, obligé de choisir son camp dès sa naissance, mais ne pouvant rester neutre s’il voulait survivre. Il entra dans une échoppe miteuse et demanda à voir Teöl. On le conduisit dans l’arrière boutique. L’homme fut seul un instant, il médita. Très vite, le plancher s’écarta pour laisser place à un escalier. Il descendit la dizaine de marches pour se retrouver dans le noir complet. L’homme fut seul un instant, il médita. Très vite le mur d’en face s’écarta cependant que le plancher se remettait en place. Durant une fraction de seconde, ce fut le noir complet. Il marcha dans la lumière que le mur venait de libérer; un cercle de lumière solaire. Le cercle de lumière se mua en couloir qu’Erik suivit aveuglément. Bien vite il s’estompa laissant place à une porte de fer, ouverte. Il entra dans la pénombre pendant que la porte se refermait derrière lui. A la vue de tous, il se présenta, lentement, mesurant et pesant chaque mot, chaque syllabe. Enfin, il rejoint ses comparses. Il était le dernier à arriver. Le dernier à arriver dans la salle mais aussi le dernier à avoir intégré ce mouvement pour la liberté. Un homme se leva.
" - Il faut arriver à l’heure, jeune homme.
- Pardon maître, dit-il. "
Maître ? Bah, un homme qui, après avoir déclaré participer au tournoi pour intégrer la garde du roi, s’était défilé en voyant les autres se faire éliminer, ne méritait pas ce nom. Mais il était resté pour des raisons politiques; étant le frère d’un riche marchand traitant avec le Mosaraï, il était un des seuls à pouvoir leur procurer armes et armures pour lutter. La Résistance avait besoin de lui... De ses liens fraternels plutôt, pas d’un couard ! Erik s’excusa intérieurement d’en avoir pensé autant, d’avoir été aussi imprudent devant un homme qui savait décrypter les expressions et postures.

Erik Jovien d’Hauguèr, lui, avait des talents de voyance, ce qui le rendait très utile au sein de la confrérie. De plus, il investissait dans des affaires, ses dons de voyance lui étant très utiles pour amasser beaucoup d'argent. Malgré tout, il faisait parfois exprès d’investir à perte pour ne pas se faire repérer par les Traqueurs, ces hommes qui pourchassent toute personne ayant quelconques talents. Il vivait donc confortablement dans une belle demeure à la frontière entre les Dédales et les HautsQuartiers, où les pièces d’accueils étaient richement parées car c’est là qu’il concluait ses affaires, mais où les autres étaient vides d’objets inutiles.

La réunion se passa comme prévu, comme toujours. Erik n’avait jamais été très patient, et cela lui manquait car la Nécrose préférait planifier tout avec minutie. Le moindre prisonnier pouvait démanteler une grande partie du réseau. C’est pour ça que, à tout moment, chaque membre de la Nécrose Royale pouvait croquer dans une poche de poison positionnée dans leur bouche. De plus, chacun d’eux n’avait qu’une connaissance superficielle de la Nécrose même si chaque membre était très précieux, certains plus que d’autres.

La patience d’Erik était connue, ou plutôt inconnue étant donné qu’il n’en n’avait aucune. Plusieurs de ces actions lui avait valu le surnom de l’Impatient au sein de la guilde. Un jour, il avait prévu de faire une affaire en ville, ses dons de voyance lui en avaient dit des merveilles. L’affaire s’était conclue vite sur un gros paquet de perles; elle était prometteuse mais ce serait ces arrières petits enfants qui en profiteraient vraiment. Lorsqu'il s'en était rendu compte, il était trop tard. Mécontent, il avait envoyé deux de ses hommes récupérer son argent. Ils avaient été tellement efficaces qu’ils avaient ramené l’argent et les intérêts, laissant derrière eux deux ou trois bleus en souvenir. Erik était dur en affaire, c’était bien connu !